Vérifiez les clauses du viager avant d’acheter – Le Particulier
Si vous envisagez d’investir dans un bien en viager, vous devez être particulièrement attentif aux clauses inscrites dans votre contrat. Voilà nos conseils pour éviter les écueils.
Vous disposez d’un petit capital et de revenus confortables et aimeriez investir dans la pierre. Mais, devant l’envolée des taux de crédit, vous hésitez à souscrire un emprunt pour vous constituer ce patrimoine immobilier. D’autant que, malgré l’atterrissage du marché, les prix des logements restent élevés.
II existe une alternative pour devenir propriétaire : acheter en viager, à un prix décoté. Dans cette formule, le vendeur (appelé crédirentier) vous cède son logement moyennant le versement d’un bouquet – somme qui lui est acquise à la signature du contrat et d’une rente viagère, versée jusqu’à la fin de sa vie. « La décote dépend du type de viager, libre ou occupé, et de l’espérance de vie du vendeur », explique Sophie Richard, Fondatrice de Viagimmo.
En général, le bouquet vaut entre 25 et 40 % de la valeur décotée du bien. Plus le bouquet est important, plus la rente est faible, et vice versa. Certes, le risque de surpayer le bien existe si le vendeur bat des records de longévité, mais, même dans ce cas, il n’est pas certain que l’opération soit perdante car, entretemps, le logement se sera valorisé. Avant de vous lancer dans ce type d’opération, soyez toutefois attentif au contrat et à ses clauses. Voici les principaux points de vigilance.
Le droit d’usage et d’habitation du vendeur
Dans un viager occupé, le vendeur dispose d’un droit d’usage et d’habitation (DUH). II ne faut pas le confondre avec un usufruit, or c’est parfois le cas si le contrat est mal rédigé. La différence ? Un DUH ne donne pas la faculté au vendeur de louer le bien pour en tirer des revenus, contrairement à un usufruit. Vérifiez en outre que les modalités de l’abandon ou de la perte de ce DUH sont prévues. Car un vendeur peut renoncer volontairement à l’exercer, notamment s’il part en maison de retraite, ou être contraint de l’abandonner, par exemple s’il est hospitalisé pour une longue période ou placé en Ehpad.
« Dans les deux cas, la rente est majorée quand l’acheteur récupère le DUH. Nous prévoyons toujours le niveau de cette hausse dans nos contrats, elle oscille entre 20 et 30 % », explique Sophie Richard. Demandez l’inscription dans le contrat des modalités à respecter par le vendeur pour vous prévenir de l’abandon de son DUH (courrier recommandé avec avis de réception, durée du préavis, etc.). Décidez aussi du sort de ses meubles et de ses effets personnels, ainsi que des délais pour leur déménagement.
La répartition des charges et des impôts
Traditionnellement, en viager occupé, elle se fait selon la grille qui régit les rapports bailleur-locataire. « Le vendeur assume l’entretien et les charges courantes ; l’acheteur paie la taxe foncière, les grosses réparations et les charges exceptionnelles », liste Sophie Richard. Même si cette clause est usuelle, détaillez précisément ce qui reste à la charge de chacun, pour éviter les conflits. Bon à savoir, « en viager libre, il est usuel que toutes les charges soient assumées par l’acheteur », précise Sophie Richard.
L’entretien du bien
Pour être sûr que le vendeur ne laisse pas son bien se dégrader, prévoyez une visite de courtoisie annuelle, qui vous permettra d’accéder au logement.
La clause résolutoire
Cette clause résolutoire est l’une des plus importante du contrat, car elle précise ce qui arrive si vous ne versez pas un ou plusieurs arrérages de rente. Si c’était le cas, « le vendeur pourra faire prononcer la clause par un juge, ce qui mettra automatiquement fln au contrat de vente en viager », met en garde Olivier Garel-Galais, notaire à Lyon. Le vendeur récupérera alors la pleine propriété sans, pour autant, devoir vous rembourser.
Le versement de la rente
Vous pouvez exiger de recevoir chaque mois une quittance qui prouve le versement de votre rente. Cette trace des paiements sera utile en cas de contestation ultérieure éventuelle par les héritiers ou l’administration fiscale.
La révision de la rente
Elle doit être revalorisée chaque année. Le choix de l’indice est libre, mais le plus utilisé est l’indice Insee mensuel des prix à la consommation de l’ensemble des ménages, hors tabac. Attention, certains contrats mentionnent le simple indice du coût de la vie (qui intègre le tabac) ou celui calculé sur les ménages modestes. Une différence de taille, car ces deux derniers indices progressent plus vite que le premier.
Soyez vigilant, surtout si le vendeur est encore jeune. « Si la rente est payée pendant 20 ans, la clause d’indexation aura un impact marqué sur la rentabilité de l’opération », fait remarquer Guillaume Leroy, actuaire-conseil chez Prim’Act. À titre d’exemple, une rente versée à une personne de 65 ans, qui se revalorise de 1 % par an, entraîne une majoration globale du montant payé d’environ 10 %. Si le vendeur a 90 ans, elle ne dépassera pas 2 %.
Autre conseil, « la clause doit mentionner que le réajustement de la rente s’effectue chaque année à date anniversaire de la signature de l’acte authentique », souligne Charles Brenac, notaire à Toulouse et membre du Groupe Monassier. II faut aussi prévoir par quel indice sera remplacé celui qui sert aux calculs si le premier venait à disparaître.
La réversion
Si vous achetez en viager à un couple, notifiez si la rente est fixée sur une seule tête ou sur les deux. Dans le premier cas, au décès du rentier, le logement vous appartiendra et le survivant devra partir. Prévoyez, dans cette hypothèse, des clauses pour aménager son départ (délai maximal pour le déménagement, etc.). Si la rente est versée sur les deux têtes, vous ne récupérerez la pleine propriété du bien qu’au décès du second conjoint.
Le rachat du viager
Vous pouvez être contraint de revendre votre viager en cours de route, il faut donc en tenir compte dans le contrat initial. Insérez des clauses qui précisent qu’un nouvel acquéreur pourra se substituer à vous. « Elles doivent en prévoir les modalités de manière précise afin d’éviter toute contestation », précise Charles Brenac.
Pour faciliter l’acceptation du vendeur, vous pouvez vous engager à l’informer de la vente. Attention, s’il accepte un éventuel rachat, il inscrira quasiment toujours une clause de solidarité. Elle précise que les acquéreurs successifs demeurent garants et solidaires du paiement de la rente. Si votre acquéreur revend, à son tour, à un mauvais payeur, le vendeur pourrait vous réclamer sa rente. Soyez donc très vigilant sur la rédaction de ce type de clause.
La protection de vos héritiers
Si vous décédez avant le vendeur, vos héritiers devront payer la rente, faute de quoi ils perdront leurs droits sur le bien immobilier. Pour les protéger, souscrivez une assurance décès viager. « Elle prend en charge le paiement des rentes et les héritiers peu vent alors récupérer le bien au décès du vendeur », explique Sophie Richard.
Là encore, précisez cette faculté dans votre contrat pour éviter toute contestation.
La récupération des clés
Si vous n’avez pas fait appel à un tiers pour assurer la gestion de votre viager, une clause doit fixer quand et comment vous serez pré venu de son décès. S’il a des ayants droit, fixez le délai (2 ou 3 mois au maximum) dans lequel ils vous remettront les clés et prévoyez des pénalités d’une centaine d’euros par jour de retard. Vous pouvez aussi préciser que, s’ils ne respectent pas le délai, vous pourrez faire changer les serrures, à leurs frais pour accéder au logement
La libération du logement
L’avenir du mobilier et des effets personnels du vendeur décédé doit être évoqué. Inscrivez que, si le bien n’est pas libre dans les 2 ou 3 mois suivant le décès, vous ferez dresser un inventaire et organiserez le déménagement vers un garde meuble aux frais de la succession.
Cependant, pour vous éviter ces démarches, « une clause peut prévoir le rachat par le débirentier de tous les meubles pour une certaine somme, en général minime, si ces derniers n’ont pas été déménagés passé un certain délai », évoque Sophie Richard.
Prévoyez le pire
Enfin, n’oubliez pas de mentionner que si, pour une raison quelconque, une occupation totale ou partielle était constatée au décès du vendeur, ses ayants droit devront vous verser une astreinte journalière dont vous fixerez le montant, à titre de dommages et intérêts. Plus important, inscrivez que cette somme sera due sans qu’une mise en demeure soit nécessaire.
En famille, prudence !
Si vous comptez acheter un bien en viager à un membre de votre famille (oncle, cousin, etc.), attention ! Ces opérations sont scrutées à la loupe par l’administration fiscale, qui vérifie qu’elles ne sont pas réalisées pour éviter les droits de succession. Pour ne pas risquer la requalification en donation déguisée, conservez les preuves de la sincérité de l’opération. Ainsi, demandez plusieurs expertises du logement et payez le bouquet au comptant, sans possibilité de le verser en plusieurs fois ou dans un proche avenir.
Conservez les preuves du règlement de la rente viagère et faites un tableau récapitulatif indiquant les dates des versements. Enfin, ne dérogez pas au contrat standard : réglez les gros travaux, ainsi que la taxe foncière. Ne laissez pas ces charges au vendeur.
Source : Le Particulier immobilier de juin 2023, pages 34-37