
Avec 2 300 € de retraite et 1 300 € de crédit immobilier à rembourser, nos conseils à Lorraine pour sortir d’une situation intenable – Le Particulier
Les mensualités du crédit que Lorraine a souscrit pour acheter sa maison, il y a 17 ans quand elle travaillait, représentent désormais plus de la moitié de sa pension de retraite. Une situation intenable.
La pension de retraite de Lorraine, d’un montant de 2300 €, pourrait être suffisante si elle n’était pas amputée de moitié par son crédit immobilier. En effet, 1200 € sont consacrés, chaque mois, à son remboursement. Et son crédit court jusqu’en septembre 2034 ! Lorsqu’elle a fait l’acquisition de sa maison dans les Yvelines, Lorraine avait 55 ans et sa situation professionnelle lui permettait d’en assumer la charge. Mais depuis son départ à la retraite, ces mensualités sont devenues trop lourdes. Pour compléter ses revenus, Lorraine loue un studio meublé attenant à sa maison. Mais, à 72 ans, elle aimerait désormais profiter de l’intégralité de sa maison et en finir avec les contraintes de la location : turn-over, formalités, travaux à chaque changement de locataire…
Récemment, Lorraine a perçu un héritage de 50 000 € après le décès de sa mère. La moitié de cette somme sera utilisée pour la réfection de sa toiture. Avec le solde, elle se demande si elle pourrait se passer de locataire et récupérer l’espace pour organiser des cours de dessin chez elle. Elle pourrait aussi placer cet argent. Pour l’heure, elle a 1 500 € d’épargne en tout et pour tout.
Lorraine souhaite également préparer sa succession. Elle envisage de léguer son épargne financière à ses neveux et nièces et sa maison à une fondation. Pour formaliser ses volontés, elle projette de rédiger un testament afin d’organiser précisément la répartition de ses biens. Elle entend aussi désigner une amie comme exécuteur testamentaire.
Notre diagnostic
Lorraine se trouve dans une situation très inconfortable. La baisse de ses revenus engendrée par le passage à la retraite l’oblige à trouver des ressources complémentaires. « Son crédit immobilier aurait dû se terminer à 67 ans, pas au-delà, regrette Florence Brau-Billod, conseillère en gestion de patrimoine à Marseille. Le fait qu’il ne soit soldé qu’en 2034 l’oblige à trouver des solutions d’ici là pour » colmater ». Mais la fuite persiste. Il faudrait qu’elle vende sa maison pour acheter plus petit et solder son crédit. Si elle refuse, elle devra continuer à louer son studio. » Elle en tire 800 € par mois (dont 150 € de récupération de charges).
Après un abattement de 50 % sur les loyers de sa location meublée de longue durée, elle paie 2 265 € d’impôt et de prélèvements sociaux, ce qui lui laisse 7 335 € par an, soit 611 € par mois. Un revenu indispensable pour pouvoir payer les charges de sa maison si elle ne veut pas la vendre. « Néanmoins, le maintien de la situation actuelle n’est pas viable. Lorraine ne pourra pas tenir jusqu’en 2034, face à l’inflation, aux charges, aux travaux…, avertit Florence Brau-Billod.
Si elle refuse de se séparer de son bien, elle devra se résoudre à le vendre en viager ou à souscrire un prêt viager hypothécaire. Ces solutions ont des avantages et des contraintes. »
Conseil n°1 : vendre, au besoin, en viager
Lorraine peut d’abord envisager le viager. Sophie Richard, fondatrice et directrice du réseau de vente en viager immobilier Viagimmo, a réalisé des simulations de vente en viager à 75 ans et à 80 ans, sur la base d’une estimation de sa maison à 500 000 €.
En juillet 2028, quand elle aura 75 ans, le capital restant dû sur son crédit sera de 87 000 €. Lorraine pourrait demander un bouquet de 100 000 €. Après avoir soldé son crédit, il lui resterait 13 000 € et elle percevrait une rente viagère de 880 € par mois. « Entre le crédit immobilier qu’elle n’aurait plus à rembourser et la taxe foncière désormais à la charge de l’acquéreur, elle économiserait près de 1 400 € par mois, sans compter les éventuels travaux pris en charge par le débirentier. Elle n’aurait plus besoin de louer son studio, dont elle pourrait disposer. » De plus, si elle souhaite quitter sa maison alors qu’elle est toujours en vie, le contrat prévoit généralement une augmentation de la rente de 20 %.
Si elle attend 80 ans pour vendre en viager, le capital restant dû sur son crédit sera de 17 000 €. Avec un bouquet de 100 000 €, une fois soldé le crédit, il lui resterait plus de 80 000 € d’épargne et la rente viagère s’élèverait à 1 345 €. « Néanmoins, il n’est pas forcément judicieux d’attendre 80 ans pour vendre. Certes, la rente serait plus élevée, mais Lorraine se priverait de 880 € par mois pendant 5 ans. En appliquant une indexation de 1,5 % par an et en tenant compte de la taxe foncière qui resterait à sa charge pendant 5 ans, cela représenterait 60 000 € de moins pour Lorraine », détaille Sophie Richard. En outre, pendant ces années, elle devra continuer à louer son studio.
Or, la fiscalité de la rente est plus avantageuse que celle des loyers. En effet, grâce à un abattement de 70 %, la rente n’est imposée que sur 30 % de sa valeur. En revanche, dans le régime des micro-bénéfices industriels et commerciaux (micro-BIC), applicable aux revenus de locations meublées de longue durée inférieurs à 77 700 € par an, l’abattement n’étant que de 50 %, les loyers sont imposés sur 50 % de leur montant.
Lorraine peut aussi opter pour un viager à 100 % en capital. Dans ce cas, à 75 ans, elle percevrait 253 000 € et pourrait vivre chez elle jusqu’à la fin de ses jours « gratuitement ». À 80 ans, elle obtiendrait 289 000 €. Selon Florence Brau-Billod, « le viager n’a pas d’intérêt à 80 ans. Les problèmes financiers de Lorraine existeront jusqu’à la fin de son crédit. La vente en viager à 75 ans est, en revanche, une solution viable, à condition que la maison soit adaptée à ses vieux jours. Elle abandonnera alors la propriété de sa résidence principale contre une épargne financière de 202 000 € (289 000 – 87 000) ».
Conseil n°2 : souscrire un prêt viager hypothécaire
Si Lorraine a besoin de liquidités, un prêt viager hypothécaire peut être une solution. Ce prêt est ouvert aux personnes de plus de 60 ans, propriétaires d’un bien immobilier d’une valeur minimale (généralement 150 000 €). Il est garanti par une hypothèque dont le montant varie de 15 à 75 % de la valeur du bien selon l’âge de l’emprunteur, le type de bien et son estimation.
Pour Florent de Rocca-Serra, cofondateur de Hyppo.immo, start-up qui propose des mécanismes financiers pour rendre liquide son patrimoine immobilier, Lorraine pourrait obtenir un prêt viager hypothécaire de 23 % de la valeur estimative de son bien, soit entre 105 000 et 110 000 €. « Il s’agit d’un prêt in fine, c’est-à-dire que le capital et les intérêts capitalisés sont remboursés lors de la vente du bien ou au décès de l’emprunteur. Il n’est pas possible de rembourser les intérêts mensuellement. Cependant, si elle vend son bien par la suite, en viager ou en vente classique, Lorraine pourra rembourser le prêt de façon anticipée », précise-t-il. Le taux d’intérêt est élevé, compris entre 6,5 et 6,75 %. Avec les frais d’hypothèque et de dossier, il faut compter 7 %. Or, en raison des intérêts composés, la dette augmente avec le temps. Ainsi, au bout d’un an, elle passera de 100 000 à 107 000 €, au bout de deux à 115 000 €, etc. « Avec cette solution, Lorraine s’endettera de nouveau, même si elle n’a plus de mensualités à payer, souligne Florence Brau-Billod, mais c’est envisageable en attendant de vendre sa maison en direct ou en viager. »
Aujourd’hui, si Lorraine décédait, en l’absence de parents, de conjoint et de descendant, ce sont ses soeurs qui hériteraient. Si elle veut gratifier d’autres personnes, elle doit rédiger un testament. « Elle peut consentir un legs universel à l’organisme d’intérêt général de son choix, en le chargeant de distribuer des legs particuliers, d’argent ou d’objets, à ces neveux, nièces et amis, expose Sandrine Lamerand, notaire du groupe Althémis, à Lyon. Ces legs peuvent être prévus nets de frais et de droits. Ainsi, le légataire universel sera tenu de régler les frais et les droits pour le compte des légataires. Les droits seront calculés sur le montant légué au taux de 55 % après un abattement de 7 967 € pour les neveux, et au taux de 60 % après un abattement de 1594 € pour les non-parents. Le légataire universel pourra procéder, si nécessaire, à la vente du bien immobilier pour régler les droits. Les légataires recevront intégralement la somme ou l’objet légué. Il est donc inutile pour Lorraine de désigner un exécuteur testamentaire chargé de veiller au respect de ses volontés. »
Elle pourra modifier son testament si elle vend sa maison en viager, et désigner ses neveux et nièces comme légataires universels, chargés de répartir les biens selon ses volontés. Enfin, Lorraine a intérêt à souscrire une assurance-vie pour y placer les 25 000 € dont elle a hérité. Elle disposera ainsi d’une réserve en cas d’imprévu, et ce placement lui permettra d’avantager qui elle veut. Étant âgée de plus de 70 ans, un abattement unique de 30 500 € s’appliquera. Il pourra profiter à une seule personne, qui recevra alors l’intégralité des fonds en exonération de droits, ou être partagé entre plusieurs bénéficiaires, comme ses neveux et nièces.
- Source : Le Particulier