
Remise des clés en cas de décès du crédirentier sans héritier
Dans le cas d’une vente en viager occupé (VO) avec réserve de droit d’usage et d’habitation (DUH) au profit du vendeur crédirentier, il a été rapporté la complexité que représente la remise des clés à l’acquéreur débirentier en cas de décès du crédirentier sans héritier.
D’une manière générale, les actes authentiques de vente en viager occupé prévoient que les héritiers et représentants du vendeur crédirentier auront un délai de deux à trois mois après mise en demeure, à compter du décès du vendeur, pour enlever les meubles et objets mobiliers lui appartenant, qui se trouvent alors dans le bien, et ce, sans obligation d’indemnisation.
La remise des clés se fait donc logiquement après l’enlèvement des meubles. En pratique, c’est souvent le notaire chargé de la succession qui remettra les clés à l’acquéreur.
Néanmoins, lorsqu’il n’y a pas d’héritier et qu’aucun notaire n’est saisi pour la succession, la remise des clés peut nécessiter une saisine judiciaire.
En outre, si l’acte authentique de vente en viager occupé ne prévoit pas les modalités de remise des clés, il existe des solutions (I), bien qu’il soit plus prudent de les prévoir (II).
1 – Si aucune clause ne prévoit cette hypothèse dans l’acte authentique
Une fois la notification de l’acte du décès dûment établie, le DUH qui était réservé au vendeur s’éteint naturellement. Le débirentier est donc légitime à prendre possession du bien immobilier pour lequel il a acquis la propriété dès la signature de l’acte authentique.
En l’absence d’héritiers et si les clés ne sont pas disponibles, le débirentier doit, avant toute chose, faire appel à un commissaire de justice accompagné d’un serrurier pour changer les serrures et obtenir un nouveau jeu de clés.
En tant que propriétaire légitime, il pourra faire ouvrir la porte et changer la serrure.
Parfois, un administrateur judiciaire, tel un notaire, peut être nommé pour gérer les biens du défunt (art. 813-1 du Code civil).
Cette personne sera chargée de la remise des clés au propriétaire.
Attention, le débirentier peut être tenu de respecter certaines formalités administratives avant de prendre possession du bien (comme informer la copropriété ou transférer les contrats d’énergie).
2- Ce qui peut être stipulé dans l’acte authentique
Contrairement à un propriétaire d’un bail de location, il est juridiquement risqué pour un débirentier de prévoir qu’il possédera dès la signature de l’acte authentique un double du jeu de clé de son crédirentier. Et si ce dernier change la serrure en cours de contrat, la situation sera in fine la même.
Néanmoins, il peut être prévu dans l’acte authentique une clause selon laquelle, si aucun héritier ne se manifeste dans les deux à trois mois suivant le décès du crédirentier :
- Le débirentier pourra mandater un commissaire de justice pour procéder à la récupération des clés et, si nécessaire, au changement des serrures.
- Les frais liés à cette procédure seront avancés par le débirentier et pourront être imputés sur la succession du crédirentier, le cas échéant.
Ce type de clause permet d’encadrer et d’empêcher la situation délicate qui pourrait se poser si rien n’est prévu à l’acte.
Pour aller plus loin : Gestion du mobilier en l’absence d’héritiers
Les meubles meublants le bien, sauf stipulation contractuelle contraire, ne rentrent pas dans le patrimoine du propriétaire, ancien débirentier. Dès lors, en l’absence d’héritiers, il convient pour le propriétaire d’adresser une ordonnance sur requête au Tribunal judiciaire du lieu où est situé l’immeuble afin de demander au juge de nommer un commissaire de Justice qui viendra faire un état descriptif du mobilier.
Le propriétaire pourra ensuite faire enlever les meubles dudit logement afin de les placer dans un garde-meuble. En dernier lieu, il devra prévenir l’administration chargée des domaines qui en prendra possession et le remboursera ultérieurement de tous les frais engagés par lui, lors de la vente aux enchères de ceux-ci (art. 809 et suivants du Code civil).
Pour éviter cette procédure rigoureuse mais indispensable, le notaire chargé de la vente en viager ou du démembrement de propriété (vente en usufruit viager), pourra conseiller à son client crédirentier de prévoir, concomitamment à la vente du bien immobilier en viager occupé, la vente du mobilier au profit de l’acquéreur. Pour cela, un inventaire de gros meubles pourra être dressé afin de les évaluer.
Cet inventaire devra être obligatoire en cas de présence d’œuvre d’art ou autre mobilier de valeur. À défaut, s’il s’avère compliqué de réaliser un inventaire, un forfait pourra être appliqué. L’administration fiscale applique de ce fait une tolérance de 5% de la valeur du bien immobilier pour la déduction du mobilier, sans réclamer de justificatif, par analogie aux règles de succession (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-20 ).
Les droits de mutation à titre onéreux ne seront pas dus sur le prix des meubles. Enfin, si le sort du mobilier n’a pas été fixé lors de la vente en VO, cela pourra se faire a posteriori. Le crédirentier pourra céder les meubles à titre onéreux (en utilisant la même méthode que supra), ou à titre gratuit, pour un euro symbolique à l’acquéreur débirentier.
Cela permettra d’éviter à ce dernier d’avoir à gérer le mobilier vacant au décès du crédirentier – et donc de compliquer l’entrée en jouissance du bien.
Cette hypothèse majeure, pouvant être d’une certaine complication en l’absence de règles claires et précises écrites, doit être accompagnée de conseils avisés d’un expert viagériste ou du conseil notarial.