Vendre en viager, les clés pour se décider – Notre Temps
De nombreux seniors songent au viager pour percevoir un complément de revenus toute leur vie sans quitter leur logement. D’autres solutions existent, qui répondent aux mêmes besoins. Tout ce qu’il faut savoir avant de se lancer… ou pas. ©Anne Bance
Des impôts allégés
Le bouquet n’est pas imposable si vous vendez votre résidence principale, car elle n’est pas soumise à la taxation des plus-values. En revanche, il l’est dans le cas d’une résidence secondaire ou d’un investissement locatif. Quant à la rente, elle est soumise à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux (17,2%) sur seulement 30% de son montant si vous avez 70 ans au moins lors de la vente (40% si la cession est réalisée entre 60 et 69 ans).
Compléter sa retraite et financer des projets
Si vous vendez une maison ou un appartement en viager, vous recevez le jour de la vente un capital, le « bouquet » (qui représente souvent entre 20 % et 25 % de la valeur estimée du logement). L’acquéreur vous versera également chaque mois, votre vie durant, une rente d’un montant convenu à l’avance. En outre, vous conservez le droit d’occuper le bien aussi longtemps que vous le souhaitez. « Les seniors utilisent souvent leur bouquet pour faire des donations à leurs enfants ou des travaux d’amélioration, ou encore d’adaptation, dans leur résidence principale », souligne Sophie Richard, fondatrice de Viagimmo. La rente, elle, constitue un complément de retraite. Selon vos besoins, il est possible de demander un capital plus important assorti d’une rente plus faible, ou l’inverse.
Amortir la hausse de la vie liée à l’inflation
La faible revalorisation des retraites ces dernières années et la poussée de l’inflation depuis deux ans contraint de plus en plus de personnes à chercher des compléments de revenus qui suivent la hausse du coût de la vie. C’est le cas de la vente en viager : la rente sera revalorisée chaque année en fonction de la hausse des prix calculée par l’Insee. Le « crédirentier » (c’est-à-dire, le vendeur qui reçoit la rente viagère) voit ainsi son pouvoir d’achat protégé. En revanche, la perspective de voir la rente revalorisée fortement, dans les périodes où l’inflation est élevée, décourage un certain nombre d’acheteurs éventuels.
Alléger ses charges
L’usage veut que le vendeur en viager ne paie ni la taxe foncière ni les gros travaux dans le logement ou la copropriété. II est simplement responsable de l’entretien courant du bien et règle la quote-part des charges de copropriété qui incomberait normalement à un locataire. Toutefois, veillez à ce que la répartition précise des frais figure dans le contrat de vente, ce qui permet d’éviter tout litige avec le futur propriétaire. « Aujourd’hui, certains accords sont aussi conclus entre le vendeur et l’acheteur avant la transaction, lorsque le logement, s’il est une passoire thermique, exige de très lourds travaux. L’acheteur peut accepter, par exemple, d’en financer une partie tout de suite, pour diminuer la facture énergétique du crédirentier, et le vendeur accepte de régler l’autre partie, grâce au bouquet qu’il perçoit, » constate Sophie Richard.
Protéger son conjoint
La rente peut être réversible sur le conjoint ou le partenaire pacsé qui la recevra donc à la place du vendeur si ce dernier disparaît. « Attention, il est possible de prévoir une rente réversible entre concubins, mais cela donnera lieu à de lourds droits de succession, il est donc préférable dans ce cas de se marier ou de se pacser », souligne Stanley Nahon, directeur général du groupe Renée Costes. Seuls les époux mariés ou les partenaires pacsés héritent en effet l’un de l’autre en étant exemptés de toute fiscalité.
À SAVOIR : La rente réversible sur le conjoint est souvent plus faible que celle destinée à un seul bénéficiaire, car elle est calculée en fonction de l’espérance de vie du couple, plus élevée que celle d’une personne.
En couple
Quand deux personnes mariées sont copropriétaires d’un bien, ils doivent le vendre en viager ensemble. Ils perçoivent une rente réversible entre eux, sans frais et sans condition.
Quelle rente espérer ?
La répartition entre rente et bouquet dépend de la situation du vendeur: selon qu’il est un homme, une femme (la rente est plus faible, car l’espérance de vie meilleure) ou un couple, et selon son âge lors de la transaction (voir tableau ci-contre, un exemple de répartitions bouquets/rentes pour un bien de 250000 €).
Le bien peut être occupé… ou non
Les logements vendus en viager sont dans plus de 90% des cas occupés: le vendeur y réside toujours. On parle de « viager occupé ».
Mais vous avez aussi la possibilité de céder un bien dans lequel vous ne vivez plus : une ex-résidence secondaire, un appartement vide ou donné en location, etc.
« L’acquéreur pourra en disposer (s’y installer ou le louer) dès le jour de la signature de la vente, à condition bien sûr de continuer à régler la rente », indique Stanley Nahon.
C’est ce qui est appelé le « viager libre ». Pour certains seniors, cette solution est plus pratique que de louer cet appartement. Cela évite les tracas de la gestion locative et le risque d’impayés de loyers. Qui plus est, la fiscalité de la rente viagère, notamment pour ceux qui ont plus de 70 ans, est souvent moins lourde que celle des revenus locatifs.
Et si l’acheteur décède?
Ses héritiers sont tenus de payer la rente à leur tour s’ils ne veulent pas perdre le bien malgré toutes les sommes déjà versées. S’ils n’ont pas les moyens, ils préféreront en général revendre le bien à un acquéreur prêt à continuer à vous verser la rente promise.
Vendre à ses enfants en viager
C’est risqué. L’administration fiscale peut imaginer que l’opération a pour but d’éviter les droits de succession et que la vente a été faite à prix réduit pour favoriser les enfants. Le calcul de la rente et du bouquet doit donc être au-dessus de tout soupçon, et les sommes, réellement versées (gardez les justificatifs).
Départ anticipé, rente majorée
Si vous avez vendu en viager et décidez un jour de quitter le logement que vous occupez, pour aller en maison de retraite, par exemple, l’acquéreur fait une bonne affaire, puisqu’il récupère le bien plus tôt que prévu. C’est pourquoi les contrats de vente bien ficelés prévoient, dans ce cas, qu’il doit vous verser, le moment venu, une rente plus importante,de 30% à 40% en moyenne.
Un acte irréversible
La transaction ne peut être annulée qu’encas d’escroquerie ou de décès du vendeur atteint d’une maladie connue au moment de la vente, dans les vingt jours qui suivent la signature.
Usufruitier, gare aux dépenses qui vous incombent!
L’acquéreur peut, dans le contrat de vente, exiger que vous assumiez les gros travaux, l’entretien courant du bien, les charges de copropriété et même parfois la taxe foncière. Une vente en viager traditionnel vous dispense en général de la plupart de ces dépenses.
Les conditions pour réussir la vente
-> ÊTRE PROPRIÉTAIRE :
Quand vous ne détenez que l’usufruit d’un logement, ou si vous êtes en indivision avec vos enfants, par exemple, il ne vous est pas possible de vendre en viager.
-> AVOIR AU MOINS 65 ANS :
Avant 65 ans, l’espérance de vie étant très importante, la rente proposée est généralement trop faible pour être utile. Les acheteurs sont en outre peu nombreux, car ils redoutent d’avoir à la verser pendant quelques dizaines d’années. La plupart des transactions ont donc lieu entre les 70 et 85 ans du vendeur. Au-delà de 90 ans, vous devez exiger un capital important (généralement de 50 % à 70 % du montant du bien que vous vendez), la rente risquant en effet d’être versée pendant un temps relativement court.
-> ACCEPTER DE DÉSHÉRITER SES ENFANTS :
Vos enfants n’auront plus aucun droit sur le logement, même si la rente n’est en réalité versée que quelques mois pour cause de décès prématuré. En revanche, vous pouvez, bien sûr, leur transmettre à votre guise le bouquet.
-> ÊTRE CERTAIN DE NE PAS DÉMÉNAGER :
Une fois votre logement vendu en viager, vous ne pouvez pas le vendre une seconde fois pour partir à l’autre bout de la France, vous rapprocher de la mer ou de vos enfants. La seule solution sera de trouver un autre logement à vos frais et de libérer le bien pour l’acheteur. Vous pourrez toutefois bénéficier d’une rente plus importante. Vous n’avez pas le droit de louer le bien, même si vous n’y vivez plus, car vous disposez seulement du droit de l’occuper.
-> DISPOSER D’UN LOGEMENT ATTRAYANT :
II est évidemment plus facile de trouver un acquéreur si vous disposez d’un logement recherché sur le marché immobilier, pour sa situation, sa superficie ou son bon état (l’acquéreur peut redouter d’avoir à financer trop de travaux, notamment liés à la rénovation énergétique). Toutefois, les spécialistes du viager assurent qu’il est possible de vendre partout en France, dans la mesure où le prix est adapté et à condition d’être patient dans les zones rurales ou les petites villes, là où les acquéreurs sont les moins nombreux.
-> ÊTRE RAISONNABLE SUR LE PRIX :
La valeur de votre logement, expertisé par un professionnel, sert de base au calcul de la rente et du bouquet. « II est donc important qu’il soit évalué à son juste prix. Si l’estimation est trop généreuse, vous peinerez à trouver un acquéreur. Si elle est trop faible, vous serez lésé », prévient Éric Guillaume, fondateur de Virage-Viager. Aujourd’hui, il est sage, par exemple, de tenir compte de la tendance baissière du marché immobilier.
La rente, elle, est établie en fonction de tables de mortalité (qui calculent, d’après les statistiques, l’espérance de vie pour les hommes et les femmes à chaque âge) identiques à celles qu’utilisent les assureurs. Mais les viagéristes n’utilisent pas tous les mêmes. Vous avez tout intérêt à demander l’avis de plusieurs spécialistes pour comparer les propositions.
Les précautions à prendre avant de signer
-> ÉVALUER LA SOLVABILITÉ DE L’ACQUÉREUR :
Le principal risque du viager est que l’acquéreur n’ait un jour plus les moyens de payer la rente promise. Avant de lui céder le bien, il est donc sage d’étudier sa situation financière et professionnelle.µ
-> BIEN RÉDIGER LE CONTRAT :
« Le contrat de vente doit prévoir un privilège spécial du vendeur, qui permet au crédirentier d’être prioritaire sur tous les autres créanciers dans le cas où l’acquéreur est en difficulté financière », précise Sophie Richard. Le contrat doit également impérative ment comporter une clause résolutoire, rédigée avec soin par un spécialiste pour ne laisser place à aucune ambiguïté.
Grâce à elle, la vente sera automatiquement annulée si la rente n’est pas versée pendant plusieurs mois. Vous récupérerez ainsi la pleine propriété du bien et, si besoin, pourrez le revendre en viager à une autre personne. Néanmoins, même si cette sanction est automatique en vertu de la clause résolutoire, elle doit être enclenchée par un juge. Vous serez donc quand même tenu d’engager une procédure en justice, parfois éprouvante, longue et difficile à financer.
Le juge peut décider l’annulation de la vente sans compensation pour l’ex-acquéreur. Dans ce cas, le capital et les rentes déjà payées n’ont pas à lui être restitués.
Elles vous restent acquises à titre d’indemnités. Mais le tribunal peut aussi prévoir à l’inverse que l’acquéreur doive récupérer au moins une partie de ce qu’il a déboursé : par exemple, une part des rentes qu’il a réglées.
-> PRÉVOIR UN ÉVENTUEL CHANGEMENT DE PROPRIÉTAIRE :
En pratique, quand vous vendez en viager, le risque d’avoir à mener une procédure pour impayés contre votre acquéreur est assez faible. En général, un acheteur en difficulté, sachant qu’il risque de perdre le bien, préfère le revendre avant. II lui faut dans ce cas trouver un nouvel acquéreur en viager qui continuera à vous verser la rente promise et récupérera à terme le bien pour lui. Ces reventes sont loin d’être exceptionnelles. Selon certains experts, elles concernent même de 20 % à 25 % des viagers.
II est difficile de choisir vous-même ce nouveau propriétaire, et vous n’avez donc pas la possibilité de mesurer sa solvabilité pour éviter les impayés. « Le contrat de vente peut simplement prévoir que vous devez donner votre agrément », précise Sophie Richard. Vous restez cependant relativement protégé, car le premier acheteur reste solidaire du paiement de la rente même après qu’il a cédé le bien. « Si le second acquéreur ne paie pas, vous pouvez donc vous retourner aussi contre le premier », indique Stanley Nahon. Reste que ces procédures demeurent difficiles à vivre et onéreuses.
-> ÉVOQUER LA QUESTION DES TRAVAUX :
Si votre logement est une passoire thermique ou est très dégradé, ce point est à évoquer avec les éventuels acquéreurs avant de signer. Ces dépenses étant en général à la charge du propriétaire, il est important qu’il accepte de les financer afin que votre logement reste confortable à habiter. Certains crédirentiers se plaignent en effet parce que l’acheteur rechigne à faire les travaux nécessaires.
-> EN PARLER AUX ENFANTS :
Leur accord n’est pas obligatoire. Mais la vente en viager les prive de leur héritage pour le bien concerné. « Ils sont en pratique généralement favorables à l’opération, car ils n’ont pas les moyens financiers d’aider leurs parents et sont heureux qu’une autre solution soit trouvée », souligne Stanley Nahon.
-> S’ENTOURER DE CONSEILS AVISÉS :
Les spécialistes du viager proposent le plus souvent leurs services pour toute la durée du contrat, c’est-à-dire aussi long temps que la rente sera versée. Ils pourront, par exemple, calculer pour vous la revalorisation annuelle de la rente et vous guider en cas d’impayés. Bien sûr, ce n’est pas gratuit. Certains prélèvent des honoraires lors de la vente pour financer cette assistance les années suivantes. D’autres facturent chaque année des frais de gestion sur les rentes.
-> S’ASSURER QUE LES CALCULS SONT AJUSTÉS :
De la valeur du bien sera déduite celle du droit d’occupation que vous conservez, en fonction de l’espérance de vie. Le montant ainsi obtenu est le prix de vente, ensuite réparti entre le bouquet et la rente, elle aussi variable selon l’espérance de vie. Comparer les propositions de plusieurs spécialistes vous permettra de vous assurer que leurs calculs se recoupent.
Une alternative, vendre la nue-propriété
-> UN CAPITAL PLUS ÉLEVÉ MAIS PAS DE RENTE :
Cette solution, appelée aussi « le viager sans rente », rencontre un succès grandissant auprès des retraités : elle représente aujourd’hui plus d’un quart des ventes en viager, selon Renée Costes.
Le principe ? Vous vendez la nue-propriété de votre bien pour recevoir un capital. Vous ne demandez pas de rente à l’acheteur mais vous gardez un droit d’usage et d’habitation (vous pouvez continuer à vivre dans le bien) ou bien l’usufruit. Dans ce dernier cas, si vous ne souhaitez plus occuper vous-même le logement, vous avez la possibilité de le donner en location (mais certains contrats prévoient que l’acquéreur doit donner son accord quant au choix du locataire).
L’intérêt ? Puisque vous n’exigez pas de rente viagère, l’acquéreur verse un capital plus important que le bouquet d’un viager classique. II représente souvent 50 % à 70 % de la valeur du logement. À vous, si vous le souhaitez, de placer cette somme pour qu’elle vous procure des revenus complémentaires. Mais il n’est pas facile de trouver un placement sûr, rentable, sans risques, et indexé sur l’inflation, comme l’est une rente viagère.
Avantage : Si vous décédez sans avoir consommé tout ce capital, il revient à vos héritiers. De plus, cette formule peut vous permettre de trouver plus facilement un acheteur. La vente de la nue-propriété rencontre un succès croissant aussi auprès des acquéreurs qui la jugent plus rassurante que le viager. Ils n’ont en effet à débourser qu’un capital, et savent donc dès le départ combien leur coûte le logement.
-> VENDRE LA NUE-PROPRIÉTÉ AVEC UN USUFRUIT TEMPORAIRE :
II est aussi possible de vendre la nue-propriété de votre logement en prévoyant que votre usufruit ne sera pas valable votre vie durant, mais seulement pendant un nombre d’années fixé à l’avance. Avec cette solution, tout ne repose pas sur la date de décès du vendeur puisque la fin de l’usufruit est connue. « Par exemple, vous décidez de profiter de votre résidence secondaire encore dix ans, mais estimez qu’ensuite il sera trop compliqué de vous y rendre. Vous la vendez donc aujourd’hui en conservant l’usufruit pour dix ans, ce qui vous permettra d’en profiter ou de la louer jusque-là », explique Thomas Abinal, cofondateur de Monetivia, qui développe des solutions alternatives au viager. Une fois les dix années écoulées, l’acquéreur récupère automatiquement la pleine propriété du bien et vous devez quitter les lieux.
Cas particulier : En cas de décès du vendeur pendant la période d’usufruit, le contrat Monetivia prévoit que l’acquéreur verse un complément de prix aux héritiers. Par ailleurs, si le vendeur souhaite conserver un usage à vie, il est possible de souscrire une assurance qui indemnisera l’acquéreur après la fin de cet usufruit temporaire.
Source : Notre Temps – Vendre en viager, les clés pour se décider – ©Anne Bance