Le Revenu – Vente en viager immobilier : nos dix conseils, loin des préjugés
Allongement de la durée de vie, faible indexation des retraites sur l’inflation, souhait de vivre ses vieux jours chez soi… Tout concourt à remettre au goût du jour la vente en viager immobilier. Ce que vous devez savoir avant de signer.
Prudence ! «Dieu nous a vendu le paradis en viager sans nous avertir qu’il était immortel», s’amuse Romano Celli dans les Petites miettes de Dieu. Sérieusement, dans le cas d’un viager entre mortels, la vente aurait été annulée en raison de l’absence d’aléa. Et oui, vivra longtemps ou pas… c’est ainsi que se mesure tout l’intérêt d’une vente en viager immobilière.
On se souvient de Jeanne Calment. Âgée de 90 ans, elle vend à un notaire son appartement à Arles. Elle décédera à 122 ans, bien après son acheteur. En 32 ans, l’acheteur et sa famille auront payé le double du prix de l’appartement.
Pourtant, à y regarder de près, le viager s’est avéré une bonne affaire. Pour Jeanne Calment, bien entendu, mais aussi pour le notaire, car avec la hausse de l’immobilier, l’opération s’est traduite par un TRI (taux de rendement interne) de 4%, ce qui n’est pas si mal.
Des besoins complémentaires entre un acheteur et un vendeur
La morale est sauve et les idées sulfureuses le plus souvent à contre-courant de la réalité du marché sont ainsi balayées. En réalité, la vente en viager est plus équilibrée et plus nuancée que ne le laissent entendre les histoires colportées ici et là.
Il n’y a pas d’un côté un acheteur avide et prédateur prêt à tout pour payer le moins possible et, de l’autre côté, une veuve misérable qui vit dans le dénuement le plus complet. Mais des personnes aux besoins complémentaires, qui vont se rencontrer à un moment donné et se mettre d’accord sur la base d’un contrat passé devant notaire.
Trouver des ressources sans être privé de son logement
Après l’histoire, l’Histoire. C’est en 1804 que la vente en viager a été inscrite dans le Code civil. Mais c’est surtout au début du XXe siècle qu’elle prendra son essor. Les Français sont très attachés à la propriété et la pierre va devenir une véritable matière première pour répondre aux objectifs patrimoniaux, de l’acquisition à la vente, en passant par la jouissance, autrement dit par l’occupation.
Encore marginal (environ 1% des ventes), le viager, en particulier sous sa forme occupée, va gagner du terrain et se développer pour plusieurs raisons. Première raison, le logement, quand on l’occupe, ne procure pas de revenus. Il peut même devenir une charge importante (entretien, consommation d’énergie, réparation…).
Deuxième raison, nous vivons de plus en plus longtemps et le temps de la retraite s’allonge. Du fait de la faible indexation des pensions, l’avancée en âge appauvrit. C’est ainsi que, au temps de l’épargne (acquisition de sa résidence principale) succède celui de la consommation de son patrimoine. Trouver des ressources complémentaires sans être privé de son logement reste un dilemme que le viager peut résoudre. Celui-ci permet ainsi «d’hériter de soi-même». Les seniors ont peu accès au crédit et trouvent ainsi, en tant que vendeur en viager, les moyens de vivre mieux.
Un apport à géométrie variable
Du côté des acquéreurs particuliers, l’achat en viager présente de nombreux atouts. Un apport à géométrie variable que l’on nomme bouquet, qui fera l’objet d’une entente sur le montant entre le vendeur et l’acheteur.
Plus le bouquet sera important et moins le montant de la rente viagère sera élevé. Plutôt que d’attendre un hypothétique crédit bancaire, l’acheteur peut consacrer au paiement de la rente la somme qu’il mettrait de côté dans un PEL, par exemple, pour financer son acquisition.
Si l’acheteur est un institutionnel, il pourra compter sur un placement décorrélé des marchés financiers, de surcroît bien entretenu puisque le vendeur sera l’occupant, soucieux de continuer à vivre le mieux possible à domicile.
Toutes ces raisons ne doivent pas servir de prétexte à une vente en viager impulsive, au plus offrant. Le vendeur doit s’entourer de garanties, notamment le savoir-faire de spécialistes, qu’il s’agisse de ceux qui représentent un acheteur particulier ou ceux qui agissent pour le compte d’institutionnels. La rencontre sur un coin de table entre un vendeur et un acheteur est à bannir. Prendre les bonnes précautions pour vendre de façon sereine peut s’illustrer par dix recommandations.
1) Rester chez soi dans de bonnes conditions
De nombreux seniors sont propriétaires de leur résidence principale et parfois de leur résidence secondaire. Leur souhait le plus cher ? Rester à domicile. Encore faut-il pouvoir le faire dans de bonnes conditions financières, avec des normes de confort compatibles avec l’avancée en âge, la possible perte progressive d’autonomie et la nécessité de répondre aux exigences de rénovation et de nouvelles contraintes énergétiques.
Vendre en viager permet de réaliser ces différents objectifs. Première solution : rester chez soi sous la forme d’un viager occupé qui ne prend fin qu’au décès des vendeurs (sur une tête pour reprendre le vocabulaire juridique pour un célibataire et, sur deux têtes pour un couple).
Le bouquet, autrement dit le versement immédiat d’un capital, peut être utilisé pour mettre aux normes de confort le logement occupé et améliorer ainsi la qualité de vie des vendeurs. Il existe aussi la possibilité d’une vente en viager mixte, en particulier pour les propriétés avec des dépendances.
« Dans cette version, explique Sophie Richard, présidente de Viagimmo, le bien est scindé en deux. Propriété d’un côté et dépendances de l’autre. Une des deux parties seulement est vendue en viager et l’autre pas.»
2) Éviter certaines idées reçues
Le viager ne consiste pas à dépouiller à vil prix un vendeur, mais à donner du pouvoir d’achat à des seniors. Beaucoup d’entre eux se retrouvent avec un patrimoine immobilier qui a pris de la valeur au fil des ans. Selon l’Insee, le prix de la pierre a augmenté de 11% par an depuis 2002.
Mais un tel patrimoine n’est pas liquide. Selon une étude de Cofidis, 31% des seniors souscrivent un crédit à la consommation pour boucler des fins de mois. Le viager permet ainsi de «fluidifier» son patrimoine, sans en perdre l’usage.
Autre idée reçue, celle selon laquelle le viager serait un moyen de contourner le droit des héritiers réservataires, le plus souvent les enfants, de leur droit à l’héritage. Certes, le bien vendu devient la propriété de l’acheteur et n’entre donc plus dans l’actif successoral. Mais il faut convenir que l’on hérite aujourd’hui de plus en plus tardivement. Le viager permet donc de consentir une donation de tout ou partie du bouquet à ses héritiers sans qu’il soit nécessaire d’attendre le décès des parents (lire aussi le point 10).
3) Estimer le prix du logement au plus juste
C’est là un point essentiel. De l’estimation du prix du logement va dépendre le montant de la vente. Le premier élément est la valeur vénale, autrement dit le prix du bien, sa valeur de marché s’il devait être vendu.
Ensuite, le droit d’usage et d’habitation, qui vient minorer cette valeur puisque le vendeur reste l’occupant du logement. Ce droit d’usage et d’habitation dépend de l’âge du ou des vendeurs. Ces deux éléments formeront le prix à payer au vendeur. Soit en une fois, sous la forme d’un capital unique, soit sous la forme d’un capital que l’on appelle le bouquet, d’un montant qui représente en moyenne 10 à 40% du prix estimé et d’une rente viagère dans le cadre d’un viager classique comme celui de Viagimmo.
L’expertise du bien reste donc fondamentale. Pour éviter une vente à un prix en dessous de la réalité du marché, la jurisprudence tient compte des revenus que pourrait tirer le vendeur s’il devait louer son bien.
4) Tenir compte de l’espérance de vie
Le viager est un contrat dit «aléatoire» , selon l’article 1964 du Code civil, qui prend fin au décès du ou des vendeurs, que l’on nomme «crédit rentiers». La durée de vie, statistiquement évaluée selon les tables de mortalités, fournit un cadre de calcul et d’estimation, mais la longévité n’est pas une science exacte. Dans un viager classique, la rente tiendra compte de l’espérance de vie en étalant le prix du logement estimé sur toute la vie du ou des vendeurs (bouquet déduit). Dans le viager nouvelle formule, le capital versé en une seule fois prendra en compte lui aussi, mais sans différé dans le temps, la valeur de cette estimation.
5) Adapter le logement à ses besoins
L’âge s’accompagne souvent d’une perte d’autonomie et de dépenses d’adaptation du logement, de frais de santé. Tout cela peut s’anticiper avec une vente en viager. Adapter son logement permet de rester le plus longtemps possible à domicile. Selon l’Insee, un Français sur quatre sera âgé de plus de 65 ans ou plus en 2040. Notre population vieillit et doit, pour la majorité d’entre elle, être dans la capacité de se prendre en charge. Dégager un capital immédiat ou sous la forme d’une rente viagère permet de satisfaire des besoins financiers et de mieux vivre son quatrième âge.
6) Prévoir le départ en maison de retraite
Et si demain il faut partir en maison de retraite ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)… Par choix ou par nécessité. Le viager occupé n’est pas un obstacle. «Il est toujours possible de quitter son logement par anticipation», rappelle Sophie Richard. Dans ce cas (et comme le martèle l’un des commandements, si cela est consigné dans l’avant-contrat de vente), la rente viagère sera revalorisée en général de 20%.
7) Lire attentivement le contrat
Une vente en viager immobilier est sécurisée par un notaire , qui veille à l’équilibre du contrat, à la présence de l’aléa, au respect des dispositions du Code civil.
Mais, au-delà de tout cela, il faut envisager toutes les possibilités à venir, qu’elles se réalisent ou non, au moyen de clauses contractuelles qui, une fois la vente réalisée, ne peuvent faire l’objet de modification ou d’un retour en arrière. Par exemple, un départ anticipé, la réévaluation des rentes, le paiement sur «une ou deux têtes» ou la revente par le vendeur du viager en cours de contrat…
8) Veiller à la solvabilité de l’acquéreur
La solvabilité de l’acheteur reste de la première importance, en particulier pour assurer le paiement de la rente viagère. Dans les viagers classiques, le vendeur dispose (à condition de l’avoir anticipé, précise Sophie Richard) d’une double garantie prévue dans l’acte. Tout d’abord, l’hypothèque légale spéciale du vendeur. Dans l’hypothèse d’une vente ultérieure par l’acheteur, les sommes dues au vendeur seront prélevées en priorité sur le prix de la vente pour garantir le paiement des rentes.
Autre clause importante, la rédaction d’une clause résolutoire. En cas de défaillance de paiement de l’acheteur, le vendeur retrouvera la pleine propriété de son bien et conservera tout ce qui lui aura été payé préalablement au défaut de paiement.
9) Prévoir les travaux dans le contrat
Les gros travaux sont à la charge de l’acheteur et les petits travaux d’entretien relèvent du vendeur. C’est là l’usage, mais rien n’empêche d’aménager contractuellement tout cela dans le détail.
Il est possible, pour éviter toute mésentente ou malentendu, d’établir dans le contrat une liste à la Prévert. Le vendeur, puisqu’il vit dans le logement, fera tout pour préserver son habitat. De son côté, l’acheteur a tout intérêt à réaliser les gros travaux nécessaires.
Au final, l’intérêt des deux parties se confond. Il peut être ainsi décidé d’une répartition «sur mesure» des travaux de mise aux normes énergétiques pour le confort immédiat du vendeur et l’intérêt ultérieur (pour habiter ou louer) de l’acheteur.
10) Transmettre à ses enfants avant l’heure
Les enfants sont tenus d’une «obligation alimentaire» envers leurs parents si ces derniers ont besoin de secours ( art. 205 à 207 du Code civil ). Vendre en viager permet de ne pas peser financièrement sur ses enfants.
Rien n’empêche d’effectuer une donation à leur profit avec une partie du capital reçu et donner un coup de pouce aussi aux petits-enfants. Et de rendre ainsi immédiat un avantage financier qui n’aurait pu être effectif qu’au décès des parents. « Le contrat doit prévoir une répartition très claire sur les charges et les travaux ».
Trois questions à Nathalie Couzigou-Suhas , notaire à Paris.
Le viager repose sur un aléa, pour autant, s’agit-il d’un contrat bien bordé juridiquement ?
Nathalie Couzigou-Suhas : le viager repose sur un aléa, celui de la durée de vie du crédirentier et donc du paiement de la rente dans le temps. Il faut donc être attentif aux clauses insérées dans le contrat.
Par exemple, selon l’article 1078 du Code civil, le défaut de paiement des arrérages n’entraîne pas pour autant l’annulation de la vente. La jurisprudence considère que cette disposition n’est pas d’ordre public. Un arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 14 septembre 2023 illustre bien cela. Un débirentier cesse de payer la rente et le crédirentier l’assigne en résolution de la vente. Dans le cadre d’une remise en état, avec l’annulation de la vente, le vendeur aurait dû restituer le bouquet. Mais les juges estiment que l’article 1978 n’étant pas d’ordre public, ce sont les clauses du contrat qui s’appliquent. Ainsi, s’il est écrit qu’en cas de non-paiement de la rente le bouquet sera gardé par le crédirentier à titre de dommages et intérêts, il n’y aura pas de restitution. Cette clause et quelques autres protègent le vendeur.
Une vente en viager dans le cadre de la famille peut-elle poser problème ?
Nathalie Couzigou-Suhas : une telle vente est possible, mais elle reste très surveillée pour éviter une donation indirecte destinée à éluder les droits de donation ou un abus de droit. L’administration fiscale surveille de telles opérations en s’assurant que le bouquet est bel et bien versé, tout comme la rente au fil des ans. Un abandon de la rente remettrait ainsi en cause la vente en viager.
En dehors du paiement de la rente, d’autres contentieux peuvent opposer le vendeur et l’acheteur ?
Nathalie Couzigou-Suhas : oui, en particulier sur les charges et les travaux. Il faut prévoir dans le contrat cette répartition de façon très claire en raison de l’espérance de vie qui s’allonge et donc de l’exécution du contrat. « Nous ne versons pas de rente, mais un capital en une seule fois, devant notaire »
Trois questions à Sophie Richard, fondatrice du réseau national Viagimmo.
Comment estimez-vous la valeur du bien d’une vente en viager ?
Sophie Richard : la valeur est évaluée par un professionnel sur la base de plusieurs estimations, en tenant compte du prix du marché le plus juste possible. Cette valeur vénale intègre en particulier les critères de qualité du logement, son emplacement, son attractivité locative. Il s’agit de se prémunir contre une sous-évaluation qui pourrait conduire à une requalification par les services fiscaux. Le «viagériste» prend aussi en compte l’âge, le sexe, la réversibilité de la rente viagère et la répartition souhaitée et possible entre le versement du bouquet et celui de la rente viagère
Comment sécurisez-vous le contrat de vente et d’achat ?
Sophie Richard : il faut savoir que ce sont les garanties contractuelles, donc celles insérées dans le contrat, qui ont force de loi, et non pas les seules garanties légales. Il convient donc de prévoir toutes les situations envisageables, car il sera impossible ensuite de revenir en arrière. Tout d’abord les garanties de paiement «du privilège du vendeur» et d’une clause résolutoire en cas de défaillance, fort rare dans les faits, de l’acheteur. Mais aussi les situations possibles, comme le départ anticipé du vendeur, et à cette occasion, la revalorisation de la rente, la possible revente en cours de contrat, le sort des meubles… Tout cela pour sécuriser les parties. Nous sommes particulièrement attentifs à la solvabilité de l’acheteur. Par exemple, nous déconseillons l’achat par une société commerciale ou artisanale qui pourrait faire l’objet d’une opération de liquidation judiciaire.
Le viager concerne-t-il seulement les biens situés dans les grandes villes ou dans les stations balnéaires ?
Sophie Richard : on trouve des offres de vente et d’achat dans toutes les régions. C’est la raison pour laquelle, nous sommes le premier réseau de franchisés en France, spécialiste du viager libre ou occupé.
Source : Le Revenu, numéro du 15 au 21 mars