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Médias
3 novembre 2025

Comment monétiser son bien immobilier – Le Monde

Vendre en viager peut être une bonne idée pour doper sa pension de retraite

La vente en viager entre particuliers est autorisée par un édit de 1661. En près de quatre siècles, cette forme particulière de transaction immobilière n’a pas pris une ride. Face à la nécessité de compléter une pension de retraite peau de chagrin et à la volonté de vieillir chez soi, cette solution reste adaptée aux seniors, de plus en plus nombreux, propriétaires avec peu d’épargne devant eux. « Ayant traditionnellement entre 70 et 80 ans, ces vendeurs potentiels ont tendance à rajeunir. Depuis peu, je reçois des demandes d’estimation de personnes de moins de 70 ans. Certaines optent pour cette formule dès la soixantaine, même si la décote est forte en raison de leur espérance de vie élevée », constate Sophie Richard, fondatrice du réseau Viagimmo.

Lors d’une vente en viager, le senior ne change rien à son quotidien et reste chez lui. À la signature de l’acte chez le notaire, le vendeur (appelé crédirentier) encaisse un capital immédiat (le bouquet) et est assuré de recevoir, à date fixe, une rente à vie. « L’équilibre entre bouquet et rente est lié aux besoins financiers du vendeur. La détermination de ces sommes dépend de l’âge de l’occupant et de la valeur du bien », précise Stanley Nahnon, directeur général de Renée Costes Viager. Au décès du vendeur, le bien revient définitivement à l’acheteur (appelé débirentier). Jusqu’à la fin de ses jours, le senior vend son bien tout en restant à son domicile, mais il doit assumer les dépenses courantes liées à la jouissance du logement (gros travaux à copropriété, taxe foncière). « La personne âgée ne s’acquitte que des charges locatives et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères », précise Stanley Nahnon.

Cela fait longtemps que les personnes sans enfant, propriétaires de leur seule résidence principale, apprécient cette formule. C’est le scénario qui a plu à Bernard B., 78 ans, et à sa femme, Colette, 76 ans : « Sans héritier direct et sachant que mon épouse perçoit une retraite faible, cette formule nous procure une aisance de trésorerie. Et si je venais à décéder avant elle, elle continuerait à percevoir la rente », explique M. B. Grâce à la vente de leur maison, d’une valeur vénale de 225 000 euros, ce couple de septuagénaires a perçu 25 000 euros sous la forme d’un bouquet et perçoit 526 euros par mois de rente viagère.

Des solutions de prêt

Reste que les seniors avec enfants qui n’ont pas d’autre « richesse » que leur résidence principale trouvent aussi leurs comptes avec le viager, optant parfois pour une variante : la vente de la nue-propriété. À la différence du viager classique, cette dernière solution permet, à la signature chez le notaire, de toucher un versement unique (le bouquet seul et pas de rente) tout en conservant l’usufruit de son logement jusqu’au décès. C’est le choix de Monique, une veuve de 80 ans qui « dispose d’une retraite confortable ». « J’ai opté pour un bouquet unique de 90 000 euros. Cela m’a permis d’aider mes trois enfants. J’ai effectué des donations-partages, soit 10 000 euros pour chacun. Le reste, je le garde comme matelas de sécurité », explique-t-elle.

Au nombre de 5000 à 6000 par an, ces transactions en viager s’effectuent majoritairement par le biais des « viagéristes », des agences immobilières spécialistes du viager (Renée Costes, Viagimmo, BM Finance…). On relève l’initiative singulière de la coopérative Les 3 Colonnes. Elle propose une formule de « viager solidaire », qui achète le bien au senior et met en place, avec son accord, des services d’accompagnement destinés à faciliter son maintien à domicile (amélioration de l’habitat, aides ménagères). « Notre foncière à but non lucratif achète 130 biens par an à des retraités percevant moins de 1 900 euros par mois. Mais nous recevons 6 500 demandes de ventes par an. Cette solution constitue une vraie alternative au départ en résidence seniors ou en Ehpad », explique Sébastien Tchernià, président de la structure.

Face au vieillissement de la population et à la baisse du pouvoir d’achat, les propositions commerciales se multiplient, toujours autour du thème de la monétisation du bien immobilier. Moins radicales que la vente en viager, qui est irréversible et porte sur la valeur totale du bien immobilier, ces offres sont, par exemple, proposées par des acteurs comme Arrago, Hyppo, Dillan ou Merci Prosper.

L’idée consiste à répondre à un besoin de cash « sur mesure », sur la base d’un montant maximal calculé sur la valeur du bien et selon l’âge et le sexe de la personne.

Cela prend la forme d’un prêt viager hypothécaire chez Arrago et Hyppo. Ce prêt non affecté est attribué sans questionnaire médical, avec une garantie hypothécaire sur le bien, et prévoit un remboursement (capital et intérêts) au décès. Chez Merci Prosper, la solution est plus complexe : cet acteur débloque pour une durée de dix ans une somme égale à 10 % (au minimum) de la valeur du bien. En contrepartie, il devient codétenteur du bien avec une quote-part de 18 %. Si ce scénario se poursuit au-delà de dix ans et sans remboursement, la facturation augmente. Ces liquidités pourront être ultérieurement remboursées par le senior ou soldées à son décès par ses héritiers, grâce au produit de la vente du bien ou avec leur argent s’ils souhaitent conserver le bien.

Le recours aux solutions de prêt est facturé à un taux souvent proche de 7 %. Grâce à des montants calibrés (allant de 10 % à 60 % de la valeur du bien), ces propositions s’avèrent utiles pour des personnes qui n’ont pas d’autres solutions pour dégager des liquidités, notamment celles qui ne parviennent plus à emprunter auprès des banques traditionnelles en raison de leur âge ou de leur état de santé. Toutefois, avant de succomber à cet argent facile, il faudra bien comprendre le mécanisme de la solution et en mesurer les effets immédiats et futurs.

29 %

C’est la part des personnes âgées de 65 ans et plus dans la population française à l’horizon 2070, selon l’Insee. Au 1er janvier, cette catégorie représentait 21,8 % d’une population de 66,4 millions de personnes. Selon l’étude 2024 du réseau Viagimmo, les principales motivations des vendeurs en viager se répartissent ainsi : 51 % pour augmenter leurs revenus, 30 % pour rester vivre à leur domicile, 10 % pour protéger leur conjoint et 9 % pour réaliser des donations.