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Presse écrite
29 août 2024

Seniors, les avantages à cohabiter avec un jeune – Le Particulier

Le contrat de cohabitation entre un jeune et un senior est un dispositif gagnant-gagnant. Les premiers bénéficient d’un logement peu onéreux, les seconds d’une présence bienveillante et rassurante. Explications. ®par Valérie VALIN-STEIN
 
 
Aujourd’hui, comme presque tous les soirs une fois le repas achevé, Jacqueline (92 ans) et Manon (22 ans) s’assoient au piano pour entonner de concert quelques vieilles chansons du répertoire français.
Au même moment, Martine (76 ans) et Manon (19 ans) se mettent à table pour un dîner préparé à quatre mains qui sera l’occasion d’évoquer leur passion commune : les voyages.
Ces deux-là ne se connaissaient pas il y a un an mais semblent déjà avoir noué des liens indéfectibles.
 

Le point commun entre ces binômes : la signature d’un « contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire » qui régit l’accueil d’un jeune au domicile d’un senior.

« Je me sentais un peu seule dans mon grand appartement. Avec Manon, je trouve de la compagnie et elle m’aide parfois à utiliser mon ordinateur ou mon téléphone portable », relate Martine.
Même satisfecit du côté de la jeune femme qui bénéficie d’une vaste chambre avec salle de bains et entrée indépendantes pour 627 € mensuels (195 € après perception des aides au logement et à la mobilité) au cœur du très recherché Ve arrondissement parisien. « Mes parents et moi avons été très rassurés par le dispositif et par la plateforme Colette qui m’a mise en relation avec Martine. Avant, nous avions été confrontés à la jungle des logements étudiants avec ses fausses annonces et ses marchands de listes », se souvient Manon.

 
 
UN MODE DE VIE PLUTÔT QU’UN MODE D’OCCUPATION
 
Le contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire bénéficie d’une grande souplesse dans sa rédaction. L’exigence principale de la loi Élan vise l’âge des parties : 60 ans au moins pour le senior et 30 ans au plus pour le junior.
Un arrêté du 13 janvier 2020 (JO du 15) précise que le logement doit être décent et qu’un hôte peut accueillir plusieurs jeunes. « Même si rien n’est imposé, mieux vaut partir sur un contrat d’un an», précise Me Benoit Boussier, avocat associé au cabinet Delsol Avocats.
« Davantage qu’un mode d’occupation il s’agit d’un mode de vie avec beaucoup d’humain. II est conseillé d’annexer au contrat une charte précisant les modalités de cette vie commune; tabac, horaires, possibilité pour le jeune de recevoir des amis, ménage, usage de certains équipements », ajoute l’avocat parisien qui reconnait « ne jamais avoir rencontré de litiges liés à ce type de contrats ».
 
 
 
Un cadre légal dérogatoire
 

Derrière ces belles histoires, un dispositif juridique défini par la loi Élan du 23 novembre 2018 (art. 117 codifïé aux art. L 31-17 à 19 du code de la construction et de l’habitation – CCH). II s’agit « d’un contrat par lequel une personne de 60 ans et plus, propriétaire ou locataire, s’engage à louer ou sous-louer une partie de son logement à une personne de moins de 30 ans moyennant une contrepartie financière modeste ».

Si la durée du contrat est libre, le préavis pour y mettre fin est, lui, fixé à un mois.

Par ailleurs, le jeune doit obligatoirement disposer d’une chambre indépendante et le logement doit être décent. « Depuis 2004, les associations telles que la nôtre avaient mis en place le principe de la cohabitation intergénérationnelle, mais la loi Élan a permis de définir un véritable régime dérogatoire à la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation. Le législateur a insisté sur l’aspect solidaire de cette cohabitation. Le terme loyer est délaissé pour celui de contribution financière modeste et le texte prévoit la possibilité pour le jeune d’effectuer quelques menus services », expose Joachim Pasquet, délégué général de l’association Cohabilis.
Le senior locataire de son logement doit informer son bailleur de son projet, mais ce dernier n’a pas le droit de s’y opposer.

 
Enfin, Sophie Richard, fondatrice de Viagimmo, franchise spécialiste du viager, note que « le contrat de cohabitation n’est pas incompatible avec le droit d’usage et d’habitation issu d’une vente en viager, mais cette possibilité doit être inscrite dans l’acte de vente. Ce droit d’usage et d’habitation étant personnel et incessible, il interdit en principe la location du bien par le crédirentier. »
 
 
Des structures qui jouent les intermédiaires
 

La loi a prévu qu’un tiers puisse assurer la mise en relation entre les seniors et les jeunes.
II peut s’agir de plateformes telles que Colibree ou Colette, ou d’associations comme Cohabilis ou Ensemble2générations. Quelle que soit la structure, l’objectif est de former des binômes pérennes.

Pour cela, les parties doivent justifier leur choix et donner certaines informations. Le jeune, par exemple, précisera ses horaires de cours, ses jours de télétravail ainsi que ses hobbies. II doit parfois réaliser une courte vidéo de présentation. Le senior, lui, détaillera les qualités recherchées chez son futur compagnon de logement (non-fumeur, mélomane, bridgeur, cinéphile…) et les services souhaités.

« Des binômes, prévus pour 6 mois, ont duré jusqu’à 3 ans », se félicite Coline Guénel, cofondatrice de Colette.
 
 
Un complément de revenus
 

Outre l’aspect convivial et sécurisant, accueillir un jeune peut vous aider à augmenter vos ressources.

Pour les seniors occupant un logement social, la contrepartie financière modeste est calculée au prorata de leurs loyer et charges rapportés à la surface habitable.
Pour les locataires du parc privé ou les propriétaires, elle est libre.

Suivant les statistiques fournies par Colette, les hôtes perçoivent, en moyenne, 6 000 € de revenus locatifs annuels, soit 500 €/mois.

Vigilantes sur l’aspect solidaire, les associations imposent des loyers modestes. « Nous ne dépassons pas 400€ par mois à Paris et 250€ par mois en province », témoigne Joachim Pasquet. Être raisonnable n’est pas une mauvaise affaire car la location d’une chambre meublée de son domicile est exonérée d’impôt si le loyer annuel est inférieur, pour 2024, à 206 €/m2 en Ile de-France et à 152€/m2 en province (art. 35 bis 1 du code général des impôts).
Au-delà, tout le loyer est imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. II est alors possible d’opter pour un régime ultra-simplifié d’imposition (jusqu’à 77 700 €), et de bénéficier d’un abattement forfaitaire de 50 % pour couvrir les charges.

 
 
Les loyers varient suivant l’implication du jeune
 

Nous modulons la participation financière en fonction des services rendus.

Dans la formule « Présence », le jeune ne verse que 10 € par mois mais s’engage à être présent 4 dîners par semaine et 2 week-ends par mois. II s’agit d’une veille au cas où la personne âgée tomberait, cela permet aussi de lutter contre la dénutrition.

La formule « Entraide » repose sur un échange de petits services en contrepartie d’une contribution modeste de 150 €. En fonction de ce qui a été contractualisé, le jeune va promener le chien, fermer les volets, fournir une aide informatique, accompagner le senior au cinéma, au musée…

Enfin, la formule « Convivialité » est une simple cohabitation. Dans ce cas, les loyers demandés sont inférieurs de 30 % à ceux du marché : 320 € mensuels, en moyenne, à Paris et 260 € en province.
 
 
Présence et menus services
 
Le loyer varie en fonction des services rendus par le jeune (voir ci-dessus), mais l’esprit de la loi ne doit pas être dévoyé. « Nous refusons des chambres quand les exigences sont trop élevées. Le jeune n’est ni un employé de maison ni un auxiliaire de vie », précise Mélanie Slufcik, directrice de Colibree. La plupart du temps, les hôtes souhaitent juste de la compagnie.

« Nous demandons a minima un ou deux soirs de présence hebdomadaire. Parfois, des amitiés se nouent et le binôme va ensemble au restaurant, au cinéma… II arrive souvent que les relations perdurent une fois le contrat terminé », indique Coline Guénel.

Si les demandes émanant des jeunes sont nombreuses, l’offre de chambres est insuffisante. Pourquoi ne pas vous lancer?