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Presse écrite
1 septembre 2025

Transmettre ses biens à une cousine vivant à l’étranger – Le Particulier

De nationalité belge, Catty réside en France depuis 15 ans où elle s’est constitué un solide patrimoine immobilier. Sans enfant, elle réfléchit aux meilleures solutions pour léguer ses biens à sa cousine belge sans être surtaxée.

Les parents de Catty se sont installés dans la Drôme il y a 30 ans. À cette époque, elle travaillait comme secrétaire comptable en Belgique. Mais 15 ans plus tard, elle a dû s’arrêter pour des raisons de santé. Elle perçoit depuis une pension d’invalidité de son pays.

C’est à ce moment-là qu’elle a décidé de se rapprocher de ses parents en achetant près de chez eux. Aujourd’hui âgés de 80 et 82 ans, ils ont vendu leur maison pour emménager au rez-dechaussée de celle de Catty, qu’elle a transformé en appartement indépendant. En plus de cette résidence, Catty a acquis d’autres biens immobiliers qu’elle loue à six locataires, et elle loge gratuitement son ex-mari. Elle rembourse encore deux crédits immobiliers, ce qui représente des mensualités de plus de 1 000 € par mois.

Son activité de gestion locative l’occupe une bonne partie du temps, mais les revenus qu’elle en tire complètent utilement sa pension de 1 850 €/mois. Après déduction de toutes les charges, il lui reste environ 800 €/ mois de loyers nets.

Une fois ses crédits remboursés, Catty sera à la tête d’un patrimoine immobilier de 1,315 million d’euros en France, ainsi que d’un terrain non constructible en Belgique, dont elle ignore la valeur actuelle. Sans enfant, elle souhaite que ses biens reviennent à l’une de ses cousines germaines, de 14 ans sa cadette, ainsi qu’à la fille de cette dernière, âgée de 16 ans.

Cette cousine, malade et en instance de divorce en Belgique, fait face actuellement à une procédure de médiation (l’équivalent du surendettement en France). Il est question qu’elle aille vivre chez Catty, lorsque sa fille aura fini ses études. Les cousines sont, en effet, très liées, au point que Catty envisage l’adoption.

Notre diagnostic

Entre ses loyers et sa pension d’invalidité, Catty perçoit un revenu de 2 600 € par mois, ce qui, avec la participation de ses parents aux frais, lui permet de couvrir ses dépenses quotidiennes. « Un point mérite cependant une attention particulière, c’est l’occupation à titre gratuit accordée par Catty à son ex-mari, souligne Florence Brau Billod, conseillère en gestion de patrimoine à Marseille. L’administration fiscale pourrait y voir une donation déguisée. Pour éviter tout risque, elle devrait lui demander un loyer, même dans une fourchette basse, et établir un bail en bonne et due forme. » Catty pourra prendre sa retraite dans 11 ans à l’âge de 67 ans, selon la législation belge, mais elle ignore le montant de sa future pension. Si elle est inférieure à sa pension d’invalidité actuelle, la baisse de revenus sera peut-être compensée par le fait qu’elle aura fini de rembourser ses crédits.

En attendant d’avoir plus de visibilité sur sa retraite, elle doit limiter ses décisions au strict nécessaire. Elle pourrait avoir intérêt commencer à rendre liquide son patrimoine immobilier, qui représente 97 % de son patrimoine total. Surtout dans l’optique d’une transmission à sa cousine et sa petite-cousine belges. À ce titre, l’assurance vie présente un intérêt certain.

En revanche, le projet d’adoption semble moins judicieux. « En France, la transmission successorale reste taxée en fonction du lien de parenté initial si l’adopté n’a pas été pris en charge pendant sa minorité, soit au taux de 55 % pour des cousins jusqu’au 4e degré et de 60 % au-delà », précise Sandrine Lamerand, notaire du groupe Althémis, à Lyon. En outre, en France, la procédure d’adoption ne serait pas possible, selon l’experte, la différence d’âge entre les cousines étant trop faible. C’est la loi nationale de l’adoptant qui s’applique. Or, comme la France, la loi belge exige une différence d’âge de 15 ans entre l’adoptant et l’adopté.

Conseil n° 1 rédiger un testament

Depuis un règlement européen de 2015, les successions internationales sont régies, sur le plan civil, par la loi du pays de résidence habituelle du défunt. C’est elle qui détermine notamment l’ordre des héritiers. D’après le droit français, en l’absence d’héritiers en ligne directe et de frères et soeurs, les parents de Catty hériteraient de tout son patrimoine. Il est possible d’y déroger par testament en choisissant la loi de sa nationalité. Mais en l’occurrence, opter pour la loi belge ne changerait rien : les règles applicables dans le cas de Catty seraient identiques.

Sur le plan fiscal, en revanche, on ne peut pas choisir la loi. En vertu de la convention fiscale successorale franco-belge, la France peut soumettre aux droits de succession la totalité du patrimoine de Catty, où qu’il se situe, mais en déduisant l’impôt payé en Belgique sur les biens immobiliers belges. « Dans la mesure où il existe un bien en Belgique [le terrain non constructible, Ndlr], le droit fiscal belge s’appliquerait dessus, obligeant la bénéficiaire de ce bien à faire dresser un acte de mutation par décès », explique Emmanuel Estienne, notaire à Genappe, en Belgique.

Concrètement, si Catty décédait, son patrimoine reviendrait intégralement à ses parents, qui devraient s’acquitter chacun de 110 200 € de droits de succession. Or, Catty souhaite également transmettre à sa cousine. Il lui faut donc rédiger un testament en ce sens. Si elle lègue la moitié de son patrimoine à ses parents et l’autre moitié à sa cousine, les premiers auraient au total 88 000 € de droits de succession à payer en France, et la cousine 361 000 €. « Il est important que Catty réfléchisse aux biens qu’elle entend léguer à ses parents et à leur transmission, ensuite, au décès de ces derniers. Notamment si elle veut que ces biens reviennent in fine à sa cousine. En fonction de ses objectifs, plusieurs solutions peuvent être envisagées, avec des conséquences fiscales à anticiper, tant en France qu’en Belgique », remarque Sandrine Lamerand.

Conseil n° 2 Vendre un bien immobilier

Dans une logique d’optimisation fiscale de la transmission de son patrimoine à sa cousine et à sa petite-cousine, Catty pourrait dès à présent céder l’un de ses biens immobiliers et placer l’argent sur son assurance vie. « Elle aurait intérêt à se défaire du terrain en Belgique pour recentrer sa succession sur la France », conseille Emmanuel Estienne. Le produit de la vente de ce terrain, voire d’un ou de deux autres biens immobiliers détenus en France, pourrait être judicieusement investi en assurance vie.

Les versements réalisés avant 70 ans sont exonérés de droits à hauteur de 152 500 € par bénéficiaire. En désignant ses cousines pour moitié chacune, Catty pourrait déjà transmettre 300 000 € hors droits de succession. « La loi française est, à cet égard, plus avantageuse que la loi belge, qui ne dispose pas de ce régime d’exonération », note Emmanuel Estienne. Au-delà de cet aspect patrimonial, les liquidités ainsi placées assureraient à Catty une réserve mobilisable en cas de besoin (travaux, problèmes de santé…). Par la suite, elle pourrait vendre d’autres biens immobiliers pour bénéficier de revenus complémentaires à la retraite ou faire face à une éventuelle dépendance. Cette précaution est d’autant plus importante que Catty souffre d’une maladie invalidante.

Conseil n° 3 Penser au viager

À plus long terme, Catty peut envisager de vendre sa résidence principale en viager. Pour l’heure, elle est beaucoup trop jeune pour que cette solution soit pertinente. Mais, dans 15 à 20 ans, elle pourrait le devenir. Sophie Richard, fondatrice de Viagimmo, réseau spécialisé dans le viager, a calculé que si Catty vendait sa résidence principale en viager occupé à 70 ans révolus, sur une base de 350 000 € et sans bouquet, elle percevrait une rente de 750 € par mois à vie. « Elle ne conserverait à sa charge que les réparations locatives, les gros travaux étant à celle du débirentier », observe la spécialiste. Autre hypothèse : vendre en viager libre l’un de ses biens locatifs estimé à 300 000 €.

À 70 ans, cette opération lui permettrait de dégager une rente de 1 452 € par mois. « Certes, elle ne percevrait plus de loyers, puisque le nouvel acquéreur reprendrait le bail à son actif, convient Sophie Richard, mais cette rente serait imposée à seulement 30 %, alors qu’aujourd’hui, en tenant compte de l’impôt et des prélèvements sociaux, les 1 300 € de loyers qu’elle perçoit sont taxés à près de 50 %. Sans oublier qu’un crédirentier est mieux protégé qu’un bailleur. » Cette solution lui permettrait de gagner en pouvoir d’achat (grâce à une fiscalité allégée et de moindres charges) et en tranquillité d’esprit en se libérant des contraintes de la gestion locative. « Si l’idée d’une rente viagère la séduit, Catty pourrait aussi opter pour la vente simple de ses biens immobiliers locatifs et la transformation du capital recueilli en rente viagère », suggère Florence Brau Billod. Toutefois, si l’espérance de vie de Catty devait être réduite en raison de sa maladie, le viager, qu’il soit immobilier ou mobilier, n’est pas forcément une solution optimale.